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Scène 45

— Je dois… partir, y aller, je n’ai pas le choix.

— Finiras-tu par me dire ce que les urgences t’ont raconté au téléphone ? me demande Lilia une nouvelle fois.

Je tremble de tous mes membres. Les mots du médecin résonnent encore dans ma tête : « Votre fille et votre mari sont en réa. Ils ont un accident au niveau de la montée d’Imbert. »

J’ai l’impression d’être entourée de brouillard. Autour de moi, tout paraît gris, cotonneux. En dehors des battements de mon cœur qui tape et tape encore dans ma poitrine et des questions sans cesse renouvelées de Lilia, je n’entends rien.

Lilia, qui s’est assise si près de moi que je peux en sentir la chaleur, me caresse la main. Le geste m’apaise, et peu à peu, je retrouve mes esprits. Quand enfin, je parviens à lui expliquer la situation, elle maudit Quentin.

— La montée d’Imbert ? Mais quelle mouche l’a piqué d’emprunter cette route de nuit ? Elle est déjà si dangereuse de jour.

— Mon dieu. Que vais-je faire sans eux ? radote ma belle-mère.

Stéphane et Alexandre évoquent des statues de plâtre, blanches et figées dans leur mouvement.

Quant à Mathilde, ses yeux sont secs, son calme est olympien. A-t-elle saisi ce qui se passe ? Elle observe tour à tour chaque adulte, comme si elle s’interrogeait sur celui ou celle qui a le plus besoin de ses bras réconfortants de petite fille. Son regard s’arrête sur moi, et je n’ai d’autre choix que la fixer à mon tour.

— On doit y partir, maman. Swann a besoin de moi.

Troublés par ses mots, nous nous rapprochons jusqu’à décrire autour d’elle un cercle, rongés par l’envie de connaître la suite. Mathilde me fait l’impression d’un chaman s’apprêtant à révéler à son peuple un terrible secret.

— Elle… elle t’a parlé ? la questionne sa grand-mère.

— Qu’est-ce que tu racontes, mamie ? Papa et maman ne veulent pas qu’on utilise le téléphone sans leur autorisation.

Prenant subitement conscience de notre naïveté, nous éclatons tous de rire. Mathilde fait la moue. Elle ne s’explique probablement pas notre gaieté.

— Swann a besoin de moi, elle a toujours besoin de moi, c’est comme ça.

— Tu as raison, ma chérie. Allons les voir.

Stéphane fait un pas vers nous.

— Vous ne pouvez pas y aller seules. Dehors, c’est le chaos. Il y a des flics et des bidasses à chaque coin de rue.

— Et si c’était la dernière occasion de les voir ? finis-je par lâcher. Tu ne peux pas nous en empêcher.

Un sourire déforme sur ses lèvres.

— Je voulais seulement te proposer de vous conduire.

— Excuse-moi, Stéphane. J’ai les nerfs à fleur de peau. Je suis tellement inquiète.

Je me tourne vers Mathilde.

— Enfile une veste chaude, on y va.

— Et nous ? On fait quoi pendant ce temps ?

Lilia interroge du regard Alexandre, dont la réponse ne tarde pas.

— On les accompagne.

— Ce ne sera déjà pas facile de baratiner les contrôles à trois, mais avec vous deux en plus, je crains que nous ne nous fassions refouler, lui fait remarquer Stéphane.